« Allez vous faire foutre. » dis-je avec dégoût alors qu'ils me tendaient un flingue. « Tu dois le faire mec. Où tu ne passeras pas le niveau supérieur. » J'avais envie. Envie de commander ses abrutis et de leur en faire voir de toutes les couleurs. Leur montrer que moi aussi, je pouvais être cruel, notamment avec eux. Je pris l'arme en main. Sa froideur me fit frissonner. Je n'en menais pas large, là avec cette arme. J'avais le pouvoir de décider de la vie de l'homme que j'avais en face de moi. Ses yeux suppliants me faisaient pitié. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas enlever la vie à un père de famille. On m'avait enlevé le mien et la souffrance que cela avait produit sur toute mon enfance était insurmontable. Je ne pouvais pas faire vivre cela à des enfants de bonne famille, bien plus vulnérable que moi, fils de la rue. Une goutte de sueur perle sur mon front et vient se jeter au bout de ma joue. Je ne peux pas, c'est trop dur. Ma main moite se relâche peu à peu et je finis par lâcher l'arme qui atterrit dans un bruit sourd mais fracassant. Le regard de mes congénères et supérieurs me fou une peur bleue comme je n'en ai jamais connu. « Casse-toi mec. Tu le regretteras. » Je comprends qu'il ne faut pas que je fasse long feu ici. Je déguerpis en moins de temps qu'il ne le faut et, dans ma course, j'entends un bruit sourd. L'homme qui m'avait fait pitié ne leur avait pas fait pitié, à eux. Je le regretterai. C'est la dure vérité des gangs.


Le soleil me chatouille les narines alors que je lis tranquillement assis au bord d'une falaise. Il fait beau, une légère brise fait s'envoler quelques feuilles sèches. J'ai la sensation d'être libre. Voilà bien une année déjà que je suis en fuite. Que je fuis ces tarés de flics et ce gang de merde auquel j'ai pu faire partie. En refusant de tuer cet homme il y a un an, j'ai signé mon arrêt de mort. Ils me traquent, me recherchent. Et malgré ça, je me sens libre. Alors que je suis plongé dans mon livre, une petite main se pose dans mon dos. Par réflexe, je sursaute et me retourne, manquant de perdre l'équilibre. Elle sourit, et même, un léger rire s'échappe. Je ne dis rien, je n'esquisse même pas un sourire. Ce n'est pas dans mes habitudes, même si cette fille me rend dingue, même si j'ai envie de lui dire les plus beaux mots, les plus belles phrases, que je la veut dans mes bras et même dans mes draps. Je détourne mon regard d'elle et le replonge dans mon livre. « Tu vas bien ? » me dit-elle en s'asseyant tout près de moi. Je lui réponds par un petit grognement qui dans mon jargon signifie que que oui, je vais bien. Je la sens déglutir. Ce que je lui fait subir est assez spécial. Je l'adore, elle me plaît et voilà plusieurs mois que nous passons ensemble, elle, son frère et moi, mais pour autant, je n'arrive pas à m'ouvrir. En fait, je ne sais pas si j'en ai tellement envie. Je ne veux pas qu'elle souffre comme j'ai pu en faire souffrir d'autres à cause de mon foutu passé. Elle a été patiente jusqu'ici mais je sais, et je comprends qu'elle puisse en avoir marre à un moment donné. « Tu sais Jayden, je sais que tu ne m'apprécies pas tellement mais moi, en te voyant comme ça, j'ai envie de t'aider. » En m'écoutant, je lui aurais répondu que je n'en ai pas envie justement. Mais je me retiens. Il faut que j'arrête de lui faire tout ce mal car je sais que les mots blessent. Et depuis le début de notre périple, on ne peut pas dire que mes mots l'aient épargnée. « Je sais Annie. » lui dis-je simplement en lui esquissant même un léger sourire. Et je sais que cela la rassure, que ça lui fait du bien. Mais elle en attends plus et, pour le moment, je ne peux pas le lui donner. Elle frissonne. La bise se fait plus intense. Je pose mon livre sur mes genoux, gigote et enlève ma veste pour la poser sur ses épaules nues. Voilà encore un geste qu'elle apprécie. Nous avançons dans la compréhension de mon passé. Mais qu'elle n'y croît pas trop. Toute cette patience accumulée n'est que le début pour elle.

Peeta Hansen a écrit:

C'est Sandy, elle m'a obligée.