« Wouuuh ! » Je venais de monter sur le bar. En pleine forme, j'espérais que cette soirée ne se termine jamais ! Je la voulais éternelle, car pour une fois je me sentais bien. J'étais à mon aise, je me foutais royalement des gens qui m'entouraient. Je ne faisais que profiter, enchaînant les verres et riant à gorge déployée. Bon sang, je me sentais revivre ! Ça faisait déjà une semaine que j'avais fini ma boite de pilules. Une longue semaine ! Ça ne me faisait ni chaud, ni froid. Pire : ça me faisait rire. Une chance pour moi, je n'étais qu'au premier stade de la maladie. D'ailleurs ce terme m'agaçait au plus haut point. J'avais horreur d'être considérée comme malade, différente, avec une tare de naissance. Je les emmerdais tous autant qu'ils étaient. Médecins, infirmiers, chercheurs, psys... Même mon pharmacien avait une tête de c*n désormais. On m'avait diagnostiqué comme étant bipolaire, et à partir de ce moment là, mon petit monde s'est écroulé. J'étais devenu la malade mentale de service, celle qu'on montre du doigt et qu'on juge à tout va. Va-t-elle péter un câble ? Va-t-elle se jeter sur nous pour assouvir une pulsion meurtrière ? Les gens ne savent même pas de quoi ils parlent ! Et ce soir, ce qui me soulageait était que personne ne me connaissait dans ce petit bar en bord de route. Je m'étais tirée... Très loin de cet hôpital qui puait la mort. On m'y avait interné suite à une crise démentielle assez gratinée. Oui, je ne fais jamais les choses à moitié. J'avais tenu 2 semaines, tranquillisée à grandes doses de thymorégulateurs. Il s'agissait d'une fuite, que j'avais vécu comme une évasion à la prison break. Les hallucinations passagères ont parfois du bon, et l'adrénaline m'avait permis d'atteindre mon but. Ça faisait déjà 3 semaines que j'étais sur la route tout de même, sans qu'on ne remette la main sur moi. Je ne savais pas où j'allais certes, mais je ne m'en inquiétais pas le moins du monde. Chez moi ? Sûrement pas ! Demain était un autre jour. Ce soir, c'était : « Vodkaaaa ! » En m'avançant sur le comptoir au rythme de la musique, j'avais malencontreusement reversé un verre. Ivre, je n'avais même pas remarqué l'étendue des dégâts et la mine contrarié du bonhomme qui venait de prendre sa douche au whisky. Il s'était relevé, me fusillant du regard alors que ses collègues me reluquaient avec plaisir. « Et toi ! Tu ne peux pas faire attention ?! - Eum... Plaît-il ? » Je ne pu me retenir plus longtemps, j'explosai littéralement de rire en voyant son piteux état. Bien évidemment, ce fou rire fut loin d'être partagé. Il tapa du poing sur le comptoir, et m'attrapa la cheville. « Hey, lâche-moi, gros sac ! » Non, je ne faisais rien pour arranger les choses. Insouciante face au danger, j'étais comme dans une bulle. Ailleurs, je me pensais intouchable. Mais j'étais loin de l'être. J'aurais dû en prendre conscience en voyant que ce type ne me lâchait pas. Pire encore, il cherchait à me faire descendre de mon perchoir, pour probablement m'en coller une. Je me débattais comme je pouvais, avec grand mal ; et fini par perdre l'équilibre et m'écrouler sur un type qui venait d'entrer et n'avait rien demandé à personne. « Oh pardon... Je suis... -Morte de rire ? Oui, aussi.- trop désolée ! - Vous êtes surtout bien alcoolisée ! - Ah non, c'est pas vrai ça ! » Quelle mauvaise menteuse je faisais ! A présent à moitié allongée sur lui, je pris appuis sur son torse afin de me redresser. Je n'allais visiblement pas assez vite pour l'ours mal léché qui se trouvait derrière moi. Il me tira avec violence, à présent très en colère. « Vous me faites mal, arrêtez ! - Je veux des excuses ! - Hey, mais lâchez-la ! »

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« Tu n'aurais pas dû... » Je le tutoyais comme s'il était un de mes grands potes ! Resserrant les pans d'une veste qui ne m'appartenait même pas, je baissais la tête. J'étais honteuse et le type qui m'avait servi d'airbag humain était sacrément amoché. Suite à ma chute, une bagarre avait éclaté dans le bar. Il s'était pris un sacré coup, et maintenait à présent une poche de glace sur son œil. Je m'en voulais tellement. « On ne malmène pas une femme. Je n'allais pas le regarder faire. - Tu ne me connais même pas ! - Ça ne change rien à mes principes. Sauf si... Tu es... un homme ? » -me demanda-t-il avec un air exagérément choqué. Il se foutait de moi maintenant, c'était la meilleure ! Plus d'une femme s'en serait vexée, moi j'en riais. Je lui donnais un coup dans l'épaule, et esquissai un léger sourire en démentant ses dires et entrant dans son petit jeu. « Très drôle ! Je suis pleine de surprises, tu sais ! - Je n'en doute pas un seul instant ! » Il haussa finalement les épaules, et pivota légèrement pour me faire face. Nous étions assis sur la rambarde du motel où j'allais passer la nuit. Une pauvre lumière éclairait la porte derrière nous, me permettant de distinguer les traits de son visage. « Je me paye un cocard, mais je ne sais même pas comme tu t'appelles... -souffla-t-il doucement. Le silence se fit. J'hésitai. Eva-Lou. - Eva-Lou... -répéta-t-il. Ça a le mérite d'être original. Et c'est joli... » Il me fixait. Je sentais son regard posé sur lui, et le sien changeait de l'ordinaire. Il n'y avait aucune pointe de jugement. Il se contentait de m'observer, devinant alors mes expressions dans la pénombre. Il se présenta en retour, et abandonna sa poche de glace. Son pauvre visage. Il était bien abîmé à cause de moi. Du bout des doigts, j'effleurais sa joue. Il grimaça légèrement, puis fini par m'adresser un sourire en coin, presque rassurant. Je ne sais pas vraiment ce qui 'a pris à ce moment là. Comme bien souvent après mes crises. J'étais déboussolée, ailleurs, cherchant un quelconque réconfort, un peu d'attention. Je l'ai donc embrassé, le plus naturellement du monde. Spontanément aussi. Le plus étonnant pour moi fut sa réponse. Sa main glissa dans mon dos, se frayant un chemin sous la veste qu'il m'avait gentiment prêté, alors que ses lèvres se pressaient avec douceur contre les miennes. Je l'ai embarqué dans ma chambre et nous avons passé la nuit ensemble. Une magnifique nuit soit dit en passant. Et tout ça, suite à un baiser. J'étais à totalement inconsciente ! Je me suis sentit désirée, et non dévisagée. Protégée et non menacée. Je n'avais pas besoin de parler, il semblait me comprendre. Comment ne pas craquer ? Il a été le seul capable de me retenir. L'espace de quelques jours certes... Mais c'était toujours plus que d'ordinaire. Un matin, je suis partie sans un bruit. Je me suis volatilisée, après avoir déposé un baiser sur ses lèvres. Je déraillais, il allait s'en rendre compte, et cette douce image que j'avais de nous ne serait qu'un lointain souvenir. Je ne voulais pas de ça. Je ne voulais pas devenir une folle à ses yeux, de qui il aurait pitié. Tout comme je n'avais jamais voulu de cette foutue maladie, je refusais de la lui montrer bien qu'il devait s'en douter.

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« Oh ! Eva ! » On venait de claquer des doigts devant mes yeux. Je m'étais une fois de plus perdue dans mes pensées. C'était de plus en plus fréquent, à mon plus grand malheur. Ajoutez à cela quelques hallucinations, et vous pouviez imaginer sans difficulté l'allure de mes journées. Plus animer, cela semblait impossible. J'étais toujours sur les routes, incapable de m'installer car obsédée par le regard d'autrui. J'avais trop peur du jugement à mon égard, et je craignais l'étiquette de « barge ». Il était si difficile de s'en débarrasser, alors qu'elle me collait à la peau. Je m'étais rachetée des médicaments, que je consommais rarement. Cela me permettait de gérer mes crises et de stabiliser mon état. Seulement, je ne pouvais pas me permettre de les prendre quotidiennement. Je n'avais pas les moyens pour ça. J'avais déjà un mal fou à faire le plein de ma petite voiture, contrainte à siphonner les réservoirs de poids lourds sur les parkings. « Je te ressert ma belle ? » Elle tenait la cafetière juste sous mon nez. Je la fixais, souriant légèrement, prête à répliquer. Lorsque mon comportement changea du tout au tout. J'avais encore une de ces réactions bizarres, jouant de mes humeurs. « J'ai une tête à vouloir du café ? » Je laissais un peu de monnaie sur la tête et me relevais, la bousculant au passage. Je m'en fichais... Du moins, je le croyais sur le moment. Mais une fois derrière mon volant, avant de reprendre la route, je réalisais la portée de mes actes et de mes mots... J'étais entrain de disparaître...

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« Bonsoir. Une chambre s'il vous le plaît. - Le cash d'abord. » Je soupirais doucement. Être aimable, ça lui ferait un deuxième trou au derrière ? Glissant ma main dans la poche arrière de mon jeans, j'en ressortais une montre. Probablement en or. « Ça ira ? » De toute façon, je n'avais que ça. Du fric, je n'en avais pas. Le peu que je récoltais provenait tout droit du porte feuille de quelques routiers. Cette montre, je l'avais piqué à un type lors de mon dernier passage en ville. Voler. Au début, j'avais été contre l'idée. Mais étant bien incapable de m'établir et de poser mon baluchon quelque part, j'avais dû me faire une raison. Alors j'avais commencé à me servir, développant alors certaines compétences dans ce domaine. Mon agilité me permettait de réussir chacun de mes tours, rusant comme jamais en adressant un sourire charmeur à ma future victime. La bonne femme détailla ce que je lui proposais. Elle me lançait quelques regards, méfiante. Sa tête de fouine ne m'inspirait pas confiance, et pourtant, je lui demandais de me louer une chambre. Elle pouvait bien faire l'effort de prendre cette satanée montre. « La douze, de l'autre côté. Elle a intérêt à être en or, sinon je te mets dehors gamine ! - Je n'en sais rien, elle n'est pas à moi ! » -lançais-je en traversant le couloir. Le temps qu'elle réagisse, j'étais déjà dans la chambre et j'avais refermé la porte à clé derrière moi, en prenant soin de les laisser dans la serrure. Tirant les rideaux, je me suis ensuite plongée dans le noir, pour finir par m'écrouler et verser un torrent de larmes. J'ai passé ma soirée allongée sur ce lit miteux, à fixer le plafond. Je déprimais, et je ne savais pas pourquoi. Pour changer...

◮ Pseudo / Prénom Lil
◮ Âge : 20 ans
◮ Tu viens d'où ? France, un département coquin. (a)
◮ Comment t'es-tu retrouvé ici ? Bazzart il me semble. Je sais plus, je m'appelle Dory.
◮ Tu aimes ? Non, d'ailleurs je voudrais un billet pour repartir !
◮ Autre : Euh... Je t'aime ?