« Je t'aime Juliet. » regardant son compagnon dans les yeux, la jeune femme esquissa un sourire timide, presque gêné. Déposant un baiser furtif sur les lèvres de son fiancé, Juliet songeât à la nouvelle vie qui l'attendait. Un futur mari, une jolie maison avec cuisine équipée, un compte commun, des... enfants. Prise d'un soudain malaise, elle se dirigea vers la salle de bains, marmonnant à Jack qu'il ne devait pas s'inquiéter. S'enfermant à double tour, la jeune femme s'assit sur la cuvette, et se regarda longuement dans le miroir qui lui faisait face. Quelle idée stupide Jack avait eu de mettre un grand miroir face à la cuvette. A chaque fois que l'un deux allait aux toilettes ils avaient la joie de se voir sur la selle...
Elle avait la vie parfaite, une vie que n'importe quelle fille jalouserait. Du moins, c'est ce dont elle essayait de se convaincre. Jack était gentil, amusant, et bon sang, il était sacrément beau. Parfois, elle trouvait qu'il avait un air de Ken, le fiancé de Barbie, mais s'était bien gardée de lui dire. Elle allait se marier. Madame Keegan. Juliet Keegan. Madame Juliet, Rory, Keegan. Sa bague de fiançailles sembla soudain peser des tonnes. Demain, à la même heure, elle serait devant le prêtre à répéter mot pour mot ce qu'il disait. Après, elle n'avait qu'à dire "Oui, je le veux", et elle serait enfin mariée. L'angoisse ! Le lendemain arriva à une vitesse qui la dérouta fortement.
« Mademoiseille Gardiner ? » « Pardon ? » « Voulez-vous...» s'enquit le prêtre, tandis que des murmures commençaient à s'élever dans la salle. Un air horrifié commençait à se peindre sur le visage de Jack, qui commençait probablement à se faire un film où Juliet se ferait la malle avec son témoin de mariage. Juliet quant à elle, jeta un regard en biais dans l'église, où ses parents adoptifs, au premier rang, la regardaient avec un amour démesuré. Elle jeta un dernier regard à Jack qui n'osait même pas la regarder, et qui s'obstinait à observer le chapeau ridicule que portait le prêtre.
« Ou... » Vas-y, tu peux le faire !
« OUI ! » avait-elle quasiment hurlé. Cette fois, des rires s'élevèrent dans la salle, et Jack la regarda enfin, un sourire éclatant illuminant son visage qui ressemblait plus que jamais à celui de Ken.
« Je t'aime Juliet. » « Moi aussi Ken. Jack. » Trop heureux pour remarquer le bourde de Juliet, son nouveau mari l'embrassa avec fougue devant les invités qui applaudissaient. Elle avait l'impression d'avoir 8 ans, et de rejouer "Le Songe d'une Nuit d'Eté" pour le spectacle de l'école. Vêtue de sa robe blanche, les invités applaudissant, c'était comme si elle jouait un rôle qui n'était pas le sien, mais qui convenait à tous les autres.
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« Je m'en vais. » Comme ça, un matin, ça lui avait pris. Après avoir pris leur petit déjeuner en silence, Jack lisant le journal et Juliet observant d'un regard vide leur aquarium où deux petits poissons frétillaient de bonheur, son mari posa le journal sur la table d'un geste qu'il voulait délibérément lent, et lui lança cette bombe.
« Pardon ? » « Tu m'as très bien compris. Je m'en vais. » Bizarrement, la seule phrase qui lui vint ne fut pas "Ne pars pas", ou "Je t'aime", ou un simple "Non". Seule une question sortit de sa bouche:
« Pourquoi ? » Comme à chaque fois qu'il était furieux, les oreilles de Jack devenaient rouge écarlate, et sa poitrine se soulevait à un rythme saccadé.
« POURQUOI ? Parce que j'ai l'impression de vivre avec une putain de dépressive qui se fout totalement de savoir si je suis là ou non. Tu joues la femme parfaite. Tu fais le ménage, la cuisine, tu me fais l'amour... Mais c'est comme si tu étais... Vide. Comme si il n'y avait rien en toi. »dit-il, ne quittant pas des yeux sa femme. Peut être cherchait-il une réaction. Peut être voulait-il qu'elle pleure, qu'elle hurle, qu'elle rie, même. Mais comme d'habitude, rien ne vint. Depuis qu'il était avec Juliet, il ne l'avait jamais vue pleurer, et il n'était même pas certain qu'elle ait déjà pleuré un jour. Une fois, lorsqu'elle avait trop bu, Juliet lui avait avoué qu'elle n'était pas malheureuse, mais qu'elle n'était pas heureuse. Le fait était que la jeune femme était en proie à un désespoir qui la rongeait de l'intérieur, et elle n'en connaissait même pas la cause.
« Ne pars pas. » lui répondit-elle, soutenant son regard.
« Dis le moi. Dis moi que tu m'aimes. » « Je... » En vérité, elle n'avait jamais dit à quiconque "je t'aime". Sans rire. Elle s'était toujours contentée de "moi aussi", ou de sourires, qui faisaient toujours leur petit effet. Mais dire "je t'aime", ça lui semblait carrément insurmontable.
« Ne me laisse pas toute seule. Ne m'abandonne pas. » « Je suis désolé. Ce n'est pas une raison suffisante, Juliet. » Quelques heures plus tard, il était parti. D'après ce qu'elle avait compris, il partait refaire sa vie à Seattle. Une fois l'appartement vidé, Juliet compris que ce n'était pas tant Jack qui lui manquait. C'était le fait d'avoir quelqu'un auprès d'elle. Vous savez, ce fameux dicton "Mieux vaut être seul que mal accompagné" ? Et bien il ne s'appliquait absolument pas à elle. Elle était prête à faire tout ce dont les autres attendaient d'elle, du moment qu'ils ne la laissaient pas tomber. La plupart des psychiatres qu'elle avait vu lui avaient dit qu'elle reportait l'abandon de ses parents biologiques sur sa vie actuelle, et que par conséquent, elle avait toujours peur d'être laissée de côté, sur le bord de la route. Lassée par toutes ces foutaises, ou plutôt parce que la vérité faisait mal à entendre, elle avait abandonné ces thérapies, pensant pouvoir se débrouiller enfin seule. De toutes façons, elle n'en avait pas le choix.